La spécificité de l’École française instituée par Napoléon Ier, Guizot et Ferry, c’est l’éducation scolaire mise au cœur même d’un projet politique, c’est du lien social réalisé par l’édification d’un espace public national.
L’apport de Jules Ferry, la laïcité, est à situer sur cet axe fondamental. Contrairement à la plupart des pays de l’Europe communautaire où la laïcité est confondue avec la reconnaissance du pluralisme religieux y compris à l’école, la laïcité française a été fondée sur la séparation entre l’espace public et les confessions religieuses.
Elle ne se réduit pas à la simple protection d’un espace public scolaire face aux diverses confessions mais elle est aussi l’affirmation d’un espace public, d’une république une et indivisible et d’une morale commune dans un cadre national.
La participation de tous au financement du service public, chacun en fonction de ses moyens, est un principe constitutionnel. Dans la pratique, les recettes fiscales servent au financement du service public, ce qui fait de l’État l’entité par excellence sur laquelle repose le financement du service public.
L’école met en œuvre les principes de la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. À cette fin, les politiques éducatives menées visent à donner à chaque élève les moyens de la réussite au service d’une société juste ».Cela est affirmé comme principe.
- Les évolutions Depuis la fin du XXe siècle, la conception du service public a été remise en cause dans tous les États occidentaux, à des degrés divers de part les effets de la mondialisation et selon les évolutions économiques et politiques. Dans l’espace européen, il y a des actes différents de définition de projet et d’organisation des autorités publiques car les cultures elles-mêmes sont différentes.
Les missions de service public peuvent relever des fonctions régaliennes liées à la souveraineté de l’État, ou bien relever du secteur administré ou du secteur marchand dont le secteur public a pris la mise en œuvre.
La tendance à ne plus assurer nécessairement les activités de service public au moyen des personnes publiques, utilisant un personnel d’agents publics et une propriété d’Etat, mais à les confier à des entreprises privées a troublé les perceptions.
De plus la mise en place des technologies du numérique facilitant leur insertion dans des réseaux de communication interconnectés provoque des modifications profondes dans la conception des relations avec les usagers.
Le service public se trouve « confronté » à la « concurrence » des entreprises privées avec effectivement le déploiement du numérique. Les logiques ne sont plus les mêmes et la notion de rentabilité a envahi les espaces. Les services publics doivent faire la preuve de leur compétence, de leur moindre coût, et surtout d’un meilleur apport de services.
Il est de même intéressant de noter comment l’attention est passée du « citoyen » à « l’usager » pour devenir très souvent « client » même dans les services d’éducation tels que le CNED ou le CNDP, établissements publics.
La question des services publics et celui de l’éducation particulièrement où la culture de l’intérêt général rend difficile le passage d’un référentiel de mission à une logique de relation de service représente aujourd’hui un enjeu politique et économique important.
On comprendra que dans un contexte économique difficile, les tentations sont grandes de réduire les coûts. De la notion de « service public » on a glissé vers les « services rendus aux publics » et les logiques de gestion et d’évaluation sont devenues prioritaires.
En même temps le temps de l’école est devenu possible hors l’école. Les établissements scolaires voient l’expansion des environnements numériques de travail, des tableaux numériques interactifs, des classes nomades ou encore des baladeurs numériques
Les sociétés qui réalisent de sites Internet, d’Intranet et d’applications mobiles travaillent dans le secteur éducatif et dans un article relevé récemment dans la presse je note que « Sur 1 000 élèves, environ 870 se connectent à la plate-forme et 65% des parents l’utilisent pour consulter la vie de l’établissement, vérifier les notes et absences, saisies en temps réel »
« Aujourd’hui, c’est dans la rue ou dans les transports en commun que les jeunes révisent, à l’aide de leurs lecteurs MP3, de leurs téléphones portables ou de leurs consoles de jeux. Les cédéroms ludo-éducatifs ont pris un sacré coup de vieux. Ils sont désormais ringardisés par de nouvelles méthodes d’apprentissage plus ludiques... et surtout proches des jeunes ».Voilà aussi ce qu’on peut lire dans nos médias.
De nombreuses sociétés privées proposent des services en ligne payants, révisions, jeux, livres bientôt en 3D…l’accompagnement scolaire, l’aide aux devoirs, l’individualisation et surtout le manque de projets clairement établis pour l’Ecole laisse la porte ouverte à toutes les initiatives à toutes les crédulités et à toutes les inégalités..
- Redéfinir les missions
Ne serait-il pas temps de revisiter les missions de service public d’éducation au regard de ces évolutions ?
Qu’en est-il des valeurs républicaines ? L’égalité par exemple peut-elle être seulement défendue par la notion de soutien scolaire individualisé ?
Le rôle de chacun au sein des espaces éducatifs relève d’une haute exigence et d’une harmonisation au niveau des objectifs à atteindre.
Le seul énoncé d’objectifs sans prise en compte de l’opérationnalisation et des moyens ne peut en aucun cas être suffisant.
Les structures et les équipements doivent permettre à tous un accès à la culture, au sport, et c’est le rôle de l’État que d’assurer, avec le concours des collectivités locales, sur l’ensemble du territoire l’existence d’un service public d’éducation correspondant à ces exigences et d’y consacrer les moyens indispensables.
- Espaces éducatifs
L’articulation entre les différents espaces éducatifs doit être garante d’une meilleure efficacité.
La territorialisation des politiques éducatives ne doit pas renforcer les inégalités et doit par une philosophie animée par l’esprit de justice sociale, impliquer écoles, familles, associations et collectivités territoriales
Equipements, ressources et numérique
Le numérique ne doit plus être apporté seulement dans l’esprit d’une aide à l’économie mais pensée aussi en termes d’égalité. Bien entendu, il faut aujourd’hui travailler avec les éditeurs, les producteurs car les outils et les ressources ne sont pas neutres et doivent permettre un accompagnement efficace des actions d’apprentissages. Les structures, les équipements, les temps, les lieux, les programmes, doivent intégrer les évolutions.
- Formation
La formation des enseignants doit être plus adaptée aux réalités de l’exercice du métier et la formation tout au long de la vie doit répondre à la fois, aux exigences du métier, aux évaluations des actions et à l’épanouissement des enseignants. On se doit aussi de défendre dans l’espace européen, la place de l’école maternelle dont il faudra aussi revoir les rythmes, les contenus, les formations, les articulations mais qui a un rôle fondamental dans l’apprentissage.
- Orientation
L’orientation scolaire doit faire partie intégrante des parcours d’apprentissage et ne doit pas être la chambre d’enregistrement des déterminismes sociaux et culturels.
Conclusion provisoire
L’éducation doit permettre le développement individuel et la construction d’une société démocratique et solidaire pour tous.
Nous pouvons pointer les inégalités.
Nous pouvons aussi pointer les leviers des changements.
Nous avons besoin du politique qui écoute des chercheurs, des experts, des professionnels du milieu scolaire dans un sens large, des parents, des élèves et des acteurs du quotidien.
Michelle Laurissergues Présidente An@é
Source: http://www.educavox.fr/actualite/debats/L-ecole-affirmation-d-un-espace
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